Les VTC, Uber en tête, n'ont certes pas totalement gagné la bataille. Mais les taxis vivent les heures les plus difficiles de leur histoire. Les rares licences qui changent de main valent 20% de moins qu'en 2013. Et, pris à la gorge, certains artisans sont contraints au dépôt de bilan.
Les chauffeurs de taxis parisiens ont le moral à zéro. Et pour cause. Depuis l'arrivée d'Uber, ils font face à une concurrence qu'ils redoutaient sans en imaginer l'ampleur. Les clients sont de moins en moins nombreux. Et le contentieux juridique à rallonge autour du service UberPop n'est pas pour arranger leurs affaires.
"L’activité pose des problèmes que nous ne connaissions pas", confirme Séverine Bourlier, secrétaire générale de l’Union Nationale de Taxis (UNT). "Ces difficultés se sont accrues dans tout le pays, mais l’Île-de-France est très durement touchée".
Selon cette représentante syndicale, la situation est grave. Pour la première fois, l'UNT a vu de petites sociétés de taxis tenues par des artisans se déclarer en faillite. Les clients se font plus rares du fait de la concurrence exercée par les société de VTC. Et de surcroît, les chauffeurs qui veulent vendre leur licence doivent réviser leurs ambitions à la baisse. Le prix des plaques parisiennes a lourdement baissé ces dernières années. De 250.000 euros en 2013, elles se vendent désormais autour de 200.000 euros, voire moins, selon Séverine Bourlier.
Même constat du coté de Maitre Siboni, commissaire-priseur en région parisienne. Les enchères qu'il organise à la suite de difficultés financières rencontrées par leurs propriétaires attirent toujours du monde, mais les prix n'atteignent plus des sommets. Elles démarrent bas, à moins de 100.000 euros, et trouvent preneur au prix du marché, soit actuellement à 200.000. "Jusqu'en 2014, nous pouvions parfois monter à 250.000 euros", nous a-t-il confirmé.
Les effets pervers de l’offre et la demande
Cette situation est inédite. Depuis des décennies, le prix de ce sésame augmentait chaque année. Dans les années 90, un artisan pouvait ainsi financer sa retraite. Désormais, ce sera plus délicat.
La multiplication des faillites aurait créé une offre supérieure à la demande. De plus en plus de chauffeurs de taxis passent d'ailleurs au VTC. "Pourquoi entrer dans cette profession quand aujourd’hui, on peut transporter des personnes simplement en téléchargeant une appli gratuite ?" réagit l’UNT.
Brahim en est un bon exemple. Ce professionnel a exercé le métier de taxi à Paris pendant 7 ans avant de jeter l’éponge. En 2015, il a décidé de vendre sa plaque 203.000 euros pour devenir VTC. "C’est le même métier, mais sans les contraintes légales et fiscales qui pénalisent les taxis", explique-t-il.
Aussi étrange que cela paraisse, et contrairement à ce que certains pensent, il n’y a pas de régulation des prix des licences qui n’est soumis qu’aux règles de l’offre et la demande. La préfecture de police de Paris, qui gère près de 18.000 taxis parisiens, insiste sur le fait qu’elle ne joue aucun rôle sur les prix de revente des licences. Rappelons que cette fameuse "plaque" est, officiellement, une "autorisation de stationnement, attribuée gratuitement. Sa cession contre rémunération est une tolérance.
Pourquoi le maintien d'UberPop leur fait craindre le pire
Brahim est persuadé qu'il a choisi le bon moment pour vendre. "Plus que les VTC, c’est UberPop qui nous inquiète. Si jamais cette activité devenait légale, la licence ne vaudra plus rien. Pourquoi investir dans une voiture, une plaque et se soumettre aux obligations fiscales ? Il faudrait être bête pour continuer !"
Les VTC sont des concurrents soumis à des règles. Par contre, UberPop est le vrai problème", reconnaît de son côté Séverine Bourlier pour qui cette activité n’est rien d’autre qu’une forme de travail clandestin.
Désormais, le sort du service le moins cher d'Uber est entre les mains de la justice qui ne peut plus beaucoup avancer. En recourant à des questions prioritaires de constitutionnalité, la filiale française du géant américain a gelé les procédures. Le groupe a saisi les Sages sur deux points: la géolocalisation et le mode de tarification des VTC.
Lors de sa dernière audience qui a eu lieu le 31 mars, la Cour d’Appel de Paris a, elle, rejeté les demandes d'injonction à l'encontre du service. UberPop peut ainsi poursuivre son activité pour au moins trois mois, le temps que la Cour de cassation se prononce sur la transmission du dossier au Conseil constitutionnel au plus tard le 30 juin.
Le blocage du dossier laisse les taxis dans une véritable incertitude. Une chose est certaine, l'arrivée de cette nouvelle concurrence donne raison à Jacques Attali qui leur avait proposé un horizon plus sûr dans son rapport: augmenter le nombre des taxis et instaurer une compensation financière à la baisse du prix des licences que cette mise sur le marché de nouveaux acteurs aurait généré.
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