Instrument d'intérêt général et représentation de l'unité nationale avec l'épisode de la Marne en septembre 1914, les taxis sont pourtant devenus le marqueur d'un corporatisme décomplexé. En 2008, la manifestation des taxis contre le rapport de la commission Attali avait agi comme un moment de basculement de l'opinion des Français.
Aujourd'hui, c'est au tour des voitures de transport avec chauffeur (VTC) de représenter un point de friction dans le débat médiatique alors que le développement de ce service est de nécessité publique. La présence d'un acteur anglo-saxon dominant sur le marché n'est pas étrangère à l'installation de cette perception dont les fondements sont cependant à chercher ailleurs.
A l'instar de la plupart des secteurs d'activité concernés en France par l'arrivée de nouveaux entrants, un voile s'est rapidement posé sur les facteurs explicatifs de l'émergence d'une concurrence crédible aux taxis. Le débat s'est réduit à un affrontement caricatural entre deux modèles : celui des taxis - forcément légitime - versus celui des VTC - évidemment destructeur de valeurs !
L'innovation a été diabolisée alors qu'elle renferme deux vertus essentielles : d'une part celle de stimuler le marché en incitant les taxis à se moderniser et d'autre part celle d'adapter le droit aux évolutions de la société.
Plus dommageable encore, cette diabolisation des VTC soulève l'urgence de la définition d'une conception renouvelée de l'économie française et illustre nos propres contradictions. Elle révèle à quel point la France peine à défendre ses start-up malgré le discours stimulant sur la French Tech. En imposant des dispositions réglementaires kafkaïennes comme le décret, aujourd'hui caduc, qui fixait un délai de 15 minutes entre la commande et la prise en charge du client, les pouvoirs publics ont d'abord choisi de favoriser une situation monopolistique.
En finir avec la diabolisation des VTC, c'est donc rappeler les raisons à l'origine de la fin du monopole des taxis sur le marché de la réservation préalable.
Censée protéger les taxis, l'inertie du numerus clausus a contribué à aggraver la pénurie de l'offre face à la demande, avec pour preuve l'envolée du prix de la licence qui a doublé entre 2002 et 2012. La qualité de la prestation s'est également sensiblement dégradée au fil du temps, principalement à Paris et en zones urbaines, ce qui a renforcé le besoin d'alternative. Mais c'est une révolution technologique - l'arrivée de l'iPhone 3G en 2008 - qui a fonctionné comme l'élément déclencheur : l'utilisateur est alors devenu une borne de taxis ambulante. La loi de modernisation du tourisme de 2009 a enfin transformé partiellement le cadre juridique en rendant le métier de chauffeur de VTC plus accessible. Aujourd'hui, le ratio Taxi + VTC par habitant est pourtant seulement de 3 pour 1.000 habitants à Paris alors qu'il atteint un minimum de 7 pour 1.000 à Londres ou à New York.
Dans dix ans, nous partagerons systématiquement une voiture avec chauffeur sur une partie de notre trajet.
En zones urbaines et périurbaines, deux grands réseaux de transport partagé de personnes se compléteront, grâce à l'interopérabilité, pour aller d'un point A à un point B. Le premier, plus abordable, sera le réseau de transport en commun développé autour de nouveaux « hubs » métropolitains. Le second, avec un positionnement toujours plus qualitatif, sera le réseau de services partagés de voitures avec chauffeurs. Il répondra au déclin du modèle de propriété individuelle d'un véhicule et à la recherche de plus de confort et d'adaptabilité dans les déplacements quotidiens. D'un produit, la voiture sera définitivement passée à un service sous plusieurs formes, principalement la location et la mobilité partagée.
Délestée des contradictions françaises, l'innovation aura brisé les frontières entre les réseaux de transport de personnes au service du coût, du confort recherché et de la durée du trajet.
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