dimanche 6 mars 2011

Fronde des taxis marseillais : Facebook plus efficace que les syndicats

Près de 200 artisans taxis phocéens ont rejoint la fronde contre les transports lowcost à Avignon, grâce au réseau social.
D'une certaine manière, la fronde s'est construite comme une des révolutions arabes en cours. Au départ, Greg, un jeune taxi de 32 ans, farouchement "indépendant" et "non syndiqué", qui pousse un coup de gueule dans son coin sur un réseau communautaire : "Quand j'ai su ce qui se passait en Avignon, ça m'a mis en rage, lâche-t-il, et comme j'ai vu que les syndicats ne réagissaient pas, j'ai écrit sur mon Facebook que, s'il le fallait, j'allais monter tout seul pour soutenir les collègues". Mais à l'arrivée, l'homme aujourd'hui considéré comme le "leader" du mouvement de grève par ses confrères, un titre qu'il décline poliment, n'est pas tout seul. Loin de là, même.

Hier matin, alors que la plupart des chauffeurs marseillais étaient à l'arrêt, près de 200 taxis ont fait monter la pression d'un cran, formant une impressionnante file de voitures le long du Min des Arnavaux. Un cortège en route pour la Cité des Papes, devenue la capitale de la "résistance" contre "le fléau des voitures low cost". Dans le lot, pas mal de jeunes, des anciens, et dans l'ensemble, une population qui tranche avec le cliché habituel du taxi marseillais grande gueule, amitiés louches, chaînes et bagues. "J'en ai marre qu'on montre toujours ceux de la gare, s'emporte Thierry, un rouquin de 33 ans. Eux, on sait bien qui ils sont et les autorités aussi le savent. Mais on les laisse faire. Ils rendent des services. Pour beaucoup, ce sont des colleurs d'affiches."

Et de durcir encore le ton : "Moi, je n'ai jamais escroqué personne pour nourrir ma famille ! Je travaille 12 heures par jour pour un Smic ! Et aujourd'hui, on va me mettre sur la paille !" Une cible désignéepar tous : la société de transport Easy Take, qui propose depuis janvier 2010à Avignon des transports de personnes 7 jours sur 7 et 24h/24h pour des prix "défiant toute concurrence et sans surprise". Soit, par exemple, un forfait de sept euros jusqu'à sept kilomètres pour quatre individus, contre treize euros pour un trajet similaire et individuel en taxi. Sans surprise, en quelques mois, les taxis vauclusiens ont vu leur chiffre d'affaires fondre de 30%. Seulement un début... Easy Take menace désormais de tisser sa toile à Nîmes, Montpellier puis Marseille.

"Et forcément qu'ils sont moins chers que nous !", s'indigne Philippe, un ancien docker de 42 ans qui débourse "1500 euros de crédit mensuel" pour rembourser sa licence payée 120 000 euros il y a 6 ans. "Alors qu'eux, ils n'ont pas d'obligation de compteur, pas de frais, pas de licence, les chauffeurs sont payés au lance-pierres...". À ses côtés, Nicolas, un grand gaillard de 33 ans, pense que cette "concurrence déloyale" a été autorisée pour des motifs moins avouables : "Easy Take est utilisée comme un cheval de Troie pour de plus grands groupes. Des multinationales qui veulent tuer les petits artisans avec la complicité des politiques. En 2009, ils ont fait passer en douce une loi qui autorise ces soi-disant voitures de tourisme avec chauffeur à bosser sans aucune contrainte ni licence... Mais croyez-moi, on ne va pas se laisser faire."

Une lutte du"pot de terre contre le pot de fer", dans laquelle beaucoup de taxis marseillais n'hésitent plus désormais à afficher leur "défiance" envers l'intersyndicale et son puissant président, Charles Gilardenghi. Une organisation qui a répercuté, sur le tard, le mot d'ordre de manifestation. "Comment peut-il à la fois défendre nos intérêts et travailler pour la mairie ? (1)", interroge Eric, 49 ans. Et d'enfoncer le clou : "Toutes les élections, on nous dit qu'il est élu à l'unanimité. Mais moi, en 10 ans, je n'ai jamais été convié à aucun vote. Et je ne suis pas le seul." Des critiques formulées par des "jaloux", qui, en définitive, "ne représentent personne" rétorque Charles Gilardenghi. Désireux de reprendre la main, l'homme a d'ores et déjà donné rendez-vous aux taxis ce vendredi 4 mars pour une réunion de "toute la corporation" où sera discuté "la menace des lowcost mais aussi d'Autopartage et des taxi-motos qui nous volent des courses". Les débats pourraient se conclure, insinue-t-il, l'air de ne pas y toucher, par un appel à "bloquer la cité phocéenne".

(1) Charles Gilardenghi est chargé de mission auprès de Jean-Claude Gaudin (UMP)

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