dimanche 20 mars 2011

Les taxis recrutent deux députés marseillais dans leur guerre contre le low cost

C’est l’un des lobbies les plus anciens et les mieux organisés en France. Du genre de ceux qui, comme le représentant des thoniers Mourad Kahoul, n’ont qu’à décrocher le téléphone pour avoir le préfet au bout du fil. Charles Gilardenghi, celui que le maire de Marseille désigne depuis des lustres – sans élection professionnelle – représentant des taxis, dispose même d’un bureau à l’Hôtel de Ville.

La tout jeune Union des professionnels du transport de personnes, dont nous avions interviewé le président, essaie en vain de rencontrer le ministre des Transports ? Grâce à la Chambre des métiers et de l’artisanat des Bouches-du-Rhône, les taxis ont reçu le soutien de deux députés pour qui le reportage de M6 d’août dernier semble loin Sylvie Andrieux (PS), dont le père était taxi avant d’être sénateur, et Roland Blum (UMP), ce dernier promettant de « monter une délégation pour que vos représentants soient reçus avec nous aux ministères de l’Intérieur, des Transports et du Tourisme pour défendre votre cause. »

La cible de cette opération ? Easy Take, cette société avignonnaise qui s’étend dans le grand Sud, avec des tarifs au forfait bien moins chers. Et au passage si possible Autopartage Provence, cette coopérative soutenue par plusieurs collectivités locales, que Lolo Gilardenghi a dans le collimateur depuis plusieurs mois. Et aurait finalement obtenu des assurances de la mairie de s’occuper du problème, tandis que les principaux concernés, surpris, navrés par cet « amalgame », même si pas trop inquiets, ne sont « au courant de rien ».

Le syndrome Ryanair ?

Pour Easy Take, l’angle d’attaque est simple : le low-cost, un terme que ne récuse pas Johanna Gryczynski, chargée de la comm’ de l’entreprise. « On est dans la mondialisation, dans la déréglementation qui nous menace tous », lance dans La Provence Sylvie Andrieux. Roland Blum fait lui un parallèle avec « les pratiques de Corsica Ferries et de MobyLines contre la SNCM ».

Bref, et même si Sylvie Andrieux nous assure que « ses propos ont été condensés » et qu’elle entendait signifier que « dans le cadre de la mondialisation tous les secteurs sont ouverts à la concurrence et que les taxis ne sont pas contre à condition qu’elle soit équitable », le message de Lolo & co est passé : Easy Take, dont le nom a le bonheur de ressembler à Easy Jet, est une version sur route de Ryanair, avec ses employés au droit irlandais, ses subventions déguisées et ses pseudopodes dans les paradis fiscaux.

Si le PS et l’UMP, , courent désormais les médias pour tenir le même discours sur l’aérien et le maritime, c’est la CGT, alias le « cancer du port » (dixit Blum), qui va être contente… Mais en attendant, Easy Take ne touche pas de subventions, emploie 73 personnes sous convention collective, paie ses impôts et ses charges en France. « On n’a rien délocalisé, tout est sur Avignon, y compris le centre d’appel alors que ce serait bien moins cher par exemple au Maghreb », fait noter Johanna Gryczynski.

Bataille ancestrale

Pour les taxis, une « concurrence déloyale ». Pour les observateurs avisés, comme l’universitaire Richard Darbéra, que nous avions interrogé, une étape de plus dans la guerre que livrent les taxis à la petite remise. La différence : contrairement aux taxis, ils ne peuvent charger des clients qui les hèlent dans la rue ou attendre à des stations, mais doivent faire l’objet d’une commande au préalable. « Pour faire pratiquement la même chose que les taxis, ils n’ont pas les même contraintes que nous : une formation, des contrôles médicaux, des contrôles pour la voiture, des stages tous les 5 ans, un compteur », plaide Jean Agius, président du syndicat des taxis marseillais (Les Verts). Une argumentation reprise par Sylvie Andrieux, qui ajoute que « les chiffres sont là avec une perte de 30% d’activité pour les taxis avignonnais. »

« Pour être chauffeur il faut 2 ans de permis avec tous ses points, un casier vierge, une visite médicale, une carte professionnelle, un brevet de secourisme. Et en internet nous formons nos chauffeurs sur le service, la conduire, les nouvelles technologies comme le GPS. On respecte notre législation », rétorque Johanna Gryczynski.

Une législation qui est justement loin de faciliter les choses. « On n’est pas les premiers, il y a de nombreuses sociétés qui existent sur Paris », assure Johanna Gryczynski, et historiquement et à l’étranger, le transport sur réservation est une activité reconnue. Sauf qu’en réponse à une interpellation d’un sénateur sûrement lui aussi bien travaillé par les taxis, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant a estimé que « certains ont contourné la loi » et que « s’il faut de nouveaux textes, ils seront pris. »

L’esprit des lois

Cela ne ferait en effet pas de mal : Easy Take dépend de deux ministères (Tourisme ou Transports) selon le nombre de passagers pris en charge, alors que les taxis dépendent de l’Intérieur. Jean Agius reconnaît également que le fonctionnement de la profession, et notamment les tarifs sont rigides. « Mais c’est la loi qui nous l’impose. Ce ne sont pas les taxis qui choisissent les prix des courses, c’est la préfecture. »

Pour le prix des licences, que les taxis ressortent à la moindre perspective de réforme pour crier à la spoliation, il est plus prudent : « si on se place du côté du vendeur, il veut qu’elles soient les plus cher possible, tandis que l’acheteur veut qu’elles soient le moins cher possible ». Forcément : quand on a fait une belle culbute en voyant le prix de la licence doubler voire tripler en quinze ans, il y a de quoi être vigilant sur la valeur de ce « capital »… Une vision patrimoniale rejetée par Richard Darbera dans une analyse détaillée, y voyant l’expression d’une situation de rente dans laquelle, qui a Paris « constitue en moyenne un quart du prix payé par l’usager ».

Mais quand Sylvie Andrieux explique qu’elle demande juste « que l’on remette les choses à plat. Que chacun vienne avec ses revendications et que l’on voie ce qu’il en est », reste à voir si tout sera sur la table, et de quel côté la balance aura le plus de chance de pencher… Surtout que Lolo l’a dit à La Provence : « ce sera sans doute mon dernier combat et celui-là il est vital je veux le gagner ».

Coup de tonnerre, sans suite, dans le système des taxis, sur Marsactu

« Il n’y a qu’en France que les taxis ont réussi à tuer la concurrence », sur Marsactu

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Publié dans Polémique | Tags autopartage, Charles Gilardenghi, easy take, marseille, ps, roland blum, sylvie andrieux, taxis, transports, ump

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