mercredi 30 novembre 2011

Taxis : tout changer pour que rien ne change ?

Les deux sujets sont sans rapport. Même si le premier vient à point nommé pour faire oublier le second volet, ressouder les troupes et rappeler qui est l’ »ennemi » et peut-être quel est le combat prioritaire. D’un côté la manifestation régionale d’une corporation, les taxis, contre le développement vu comme un empiétement sur leurs plate-bandes des sociétés de transport à la demande. De l’autre, la situation locale, autrement dit à Marseille, de la même corporation : enquêtes judiciaires, finances au bord du gouffre d’une des deux radios, démission du grand manitou Lolo Gilardenghi… Revue de détails en deux temps.

Un encombrant cousin

Comme à Nice, Avignon ou Montpellier, les 1560 chauffeurs de taxis marseillais étaient invités ce lundi à mettre le oaï sur certains axes du réseau routier (autour de la gare, des entrées des tunnels, du conseil général…) :

A l’origine de cette fronde, le lancement en janvier 2010 à Avignon et désormais Montpellier avec d’autres projets d’ouverture d’Easy Take. La différence avec les taxis : les premiers ne sont autorisés à prendre des courses que sur réservation, les seconds étant « les seuls à avoir le marché de la rue et des stations », nous expliquait dans une interview Richard Darbera, chargé de recherche au CNRS et auteur d’un livre sur la question. Mais la société est accusée par les taxis du Vaucluse de pratiquer la maraude, autrement dit de prendre des courses dans la rue. La cour d’appel de Nîmes, sur la base de deux constats d’huissiers, contestés par Easy Take l’a d’ailleurs condamnée sur ce point.

Maquis réglementaire

Et au-delà, le partage des tâches ne convient pas aux taxis, pas habitués comme les taxis noirs londoniens à faire avec les « minicabs ». Historiquement, le système qui régit en France les différentes activités de transport de personnes est très complexe, ce qui a de fait permis aux taxis de garder un quasi-monopole. Mais Easy Take a su tirer avantage de deux réglementations différentes – les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) et le transport routier de voyageurs (TRV) – et d’un assouplissement pour exercer son activité, remettant en cause cet équilibre.

En septembre, dans un communiqué commun publié après leur rencontre avec les taxis, les ministres de l’Intérieur Claude Guéant et du Tourisme Frédéric Lefebvre assuraient que « six textes réglementaires seront pris avant la fin de l’année afin de répondre aux objectifs des ministres qui entendent que les différents modes de transport de personnes cohabitent harmonieusement et que chacun respecte les règles propres à son activité ». Vu le ton apaisant et l’annonce d’un relèvement du seuil de puissance pour les VTC, on semble s’orienter vers de simples (et nouveaux, la longueur minimale des véhicules ayant déjà été modifiée) bâtons dans les roues d’Easy Take et consorts.

Dommage, car tout le monde pourrait gagner à une vraie remise à plat. Surtout si l’on se rappelle que l’intérêt général consiste à offrir la plus large possibilité de se déplacer à ceux qui n’ont, pour une raison ou pour une autre (choix, de passage, handicapé, âgé, malade etc.) pas de voiture. Comme nous l’expliquait Richard Darbéra, « les Londoniens et les New Yorkais font 3 à 4 fois plus de voyages par habitant que les Parisiens. A Londres, les taxis noirs sont très chers et sont utilisés par les touristes, tandis que les Londoniens montent plutôt dans les minicabs. Et si l’on regarde par couches sociales, les pauvres utilisent ce mode de transport, contrairement à Paris. L’autre avantage, c’est que cela crée de l’emploi dans les quartiers pauvres, où beaucoup de petites entreprises se développent ».

Pas Tupp top

Du changement sur fond de statu quo, c’est aussi l’ambiance actuellement dans l’univers plus restreint des taxis marseillais. Les mises en examen ont plu ces derniers mois et l’enquête se poursuit autour de systèmes frauduleux qui pourraient n’être pas aussi restreint que quelques « brebis galeuses ». En parallèle, un séisme a secoué les taxis Tupp, l’une des deux principales centrales radios de la ville, avec un trou dans ses caisses de plus d’un million d’euros et une plainte contre X déposée par ses adhérents pour « escroquerie, des abus de biens sociaux et autres enrichissements personnels ».

Tout historique qu’il est, le président de l’Union syndicale des petits propriétaires de taxis des Bouches-du-Rhône (le syndicat Tupp) Charles « Lolo » Gilardenghi n’a pas résisté à la tempête : dans une vidéo saisissante de LCM , on le voit acceptant sous la pression sa démission de l’intersyndicale des taxis marseillais, tout en niant toute implication dans ce gouffre financier, renvoyant la balle aux dirigeants de l’association Tupp qui est celle qui gère la centrale. Magnéto Lolo :


Président de Taxi Radio Marseille (les Verts principal concurrent des Bleus de Tupp), Jean Agius a proposé d’accueillir des chauffeurs de Tupp, nombre d’entre eux se retrouvant en difficulté avec des bons non réglés pour au total plusieurs milliers d’euros. Mais malgré des demandes d’inscriptions, « on n’a fait rentrer personne » nous explique-t-il car « on n’a pas récupéré de gros marchés permettant de le faire ». Autrement dit une partie de l’activité de Tupp.

Lolo toujours en cour

Reste que, malgré les apparences, Lolo n’est pas encore à la retraite : « il a démissionné de la présidence de l’intersyndicale mais est toujours président de Tupp », nuance Jean Agius. Et donc siège toujours à la commission communale qui « a compétence et est obligatoirement consultée pour avis sur toutes les questions relatives à l’organisation, au fonctionnement et à la discipline de la profession concernée ».

Aux côtés de nombreux autres représentants de syndicats qui, comme Marsactu le soulignait en juin 2010, ne tirent leur légitimité que d’être nommés par le maire de Marseille. D’où un nouvel appel appel de Jean Gammichia, président du syndicat des taxis marseillais, à l’organisation d’élections professionnelles :
Malgré nos efforts répétés, nous n’avons pu joindre l’adjoint au maire aux Voitures Publiques André Caméra, mais du côté de Jean Agius aucune élection ne serait prévue avant 2014, date des élections municipales. Dans près de trois ans donc. En attendant, la composition de la commission continue d’évoluer à la marge (dernières modifications en date le 6 juin et le 28 octobre). Mais toujours avec Lolo et une noria de vrai-faux syndicats. « A partir du moment où il est désigné, il est légitime… Tant qu’il n’y aura pas d’élections professionnelles chacun pourra se targuer de représenter les taxis », grince Jean Gammichia.

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