mercredi 30 novembre 2011

Les taxis marseillais dans l'impasse


Après avoir bloqué la circulation hier pour protester contre une concurrence jugée déloyale, ils ont suspendu leur grève.

Le Préfet de police les avait mis en garde : en cas d'entrave à la circulation, les taxis encourraient jusqu'à 2 ans de prison et 4500€, en application de l'article L412-1 du code de la route. "Il nous a précisé que 35 dépanneuses seraient réquisitionnées pour faire enlever les taxis qui bloqueraient les voies", soupire Gregory Nadjarian, président du syndicat des taxis réunis.

On comprend mieux pourquoi les 800 artisans de la région venus manifester hier à Marseille ont laissé passer les automobilistes, fut-ce au compte-gouttes, sur les points stratégiques qu'ils ont investis dès 7h du matin : carrefour du Conseil général, Bd Charles-Livon, entrées du tunnel Vieux-port, accès A7 au Bd Nédelec, accès A50 autour du parc du 26e centenaire. On redoutait la paralysie totale de la ville, ce fut seulement l'hémiplégie. Avec tout de même des bouchons monstrueux (autoroutes Est et Nord, abords du parc du 26e notamment) ; mais aussi des secteurs où le trafic fut étonnamment fluide. Comme le Prado-carénage, aussi vide hier matin que le désert de Gobi...

Vrais-faux taxis

Une manif canalisée donc, pour exprimer la colère... déchaînée des artisans taxis, face à l'émergence d'une concurrence qu'ils estiment déloyale. Celle que leur livrent depuis quelques mois les fameux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), ces "vrais-faux" taxis qui ont défrayé la chronique au printemps dernier à Avignon. Le statut de VTC permet à tout titulaire d'un permis de conduire de se faire payer pour transporter des passagers, sans devoir obtenir de licence. Mais en théorie, ce nouvel opérateur doit se limiter à une activité strictement touristique, utiliser un véhicule luxueux d'au moins 4,80m de long et intervenir uniquement sur commande.

Dans les faits, les VTC sont souvent utilisés comme des taxis traditionnels (soumis, eux, à une très lourde réglementation), et accusés de casser les prix. Au printemps dernier, les artisans taxi du Vaucluse ont obtenu la condamnation de la société Easy Take, qui a dû débourser 15 000€ de dommages et intérêts. Les fédérations avaient alors réclamé au ministère de l'Intérieur une vraie réglementation des VTC... qu'ils attendent toujours. "Pendant ce temps, les VTC continuent à grignoter le marché", proteste Nicolas, un taxi marseillais.

Marasme

Dans la cité phocéenne, les taxis "low cost" auraient fait leur apparition : des véhicules banalisés, sans aucun signe distinctif qui, assurent leurs concurrents, "se postent dans les parkings des supermarchés pour attendre le client". Pire : certains hôtels travailleraient exclusivement avec les VTC. Tout dernièrement, des sociétés ont raflé des marchés avec la SNCF (pour le transport des agents) ou le conseil général (pour le transport des handicapés) jusque là dévolus aux taxis traditionnels. "On va se faire voler les croisiéristes, les transports médicaux", s'inquiètent les artisans taxis, qui auraient déjà perdu 20 à 30% de leur chiffre d'affaire dans les villes où les VTC sont implantées.

Déjà pénalisés par l'augmentation du prix du carburant, les taxis doivent également faire face aux frais de remise aux normes obligatoires de leurs compteurs, tableau de bord et dispositif lumineux : "Il y en a pour 2500€ par véhicule, sans aucune aide de l'Etat", se désole Nicolas. A l'en croire, "pour s'en sortir, les taxis travaillent 12 heures par jour, pour un salaire moyen de 1200€". Une profession d'autant plus sinistrée à Marseille que les taxis y seraient en surnombre (400 licences en trop estiment les syndicats). L'écroulement des taxis-Tupp, les affaires judiciaires liées aux pratiques douteuses de certains taxis ne font que s'ajouter au marasme. Reçus en fin d'après-midi en Préfecture, les manifestants ont décidé de suspendre leur mouvement.

Sophie MANELLI

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